Mallarmé-Or, le pliage

Micro-édition (50 exemplaires), linogravure, impression jet d’encre. Format A3 déployé (format A6 plié)

Date

Mars 2018

Article associé :

« Pour une heuristique du pli : penser l’expérience esthétique des livres d’artistes altérés »

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“La pratique de la lecture débute dans un pli, dans l’expression minimale d’une ouverture.” “Le pli se fait alors motif théorico-pratique, où formel et conceptuel s’entre-tissent. Mais plus qu’une analogie, le pli s’y érige comme « mouvement [...]1 morphogénétique [...] » : autrement dit, le pli génère une forme de manière dynamique — une forme-livre.”

“À l’origine des livres-plis : une feuille. « La planche, on le sait, est la forme première du livre chez l’imprimeur, quand elle n’a pas encore été pliée et massicotée pour constituer un des cahiers qui, reliés, feront le volume2 », assure Anne Moeglin-Delcroix. La feuille, plane, surface étendue, est le point de départ originel du livre. Elle est celle qui se plie, de mille et unes façons, comme autant de dynamismes morphogénétiques. À l’origine de tout livre donc, une feuille, une planche, un in-plano qui constituera le livre dans toute son épaisseur. Villers a également déployé ses interrogations sur le pli dans le cadre d’hommages à l’œuvre de Stéphane Mallarmé ; avec Mallarmé 1897- 1979 jusqu’à Or-Le Pliage (en 2011). Ces deux œuvres, qui se font écho à plus de trente ans d’écart, incarnent ainsi le processus réflexif au long cours de l’artiste.

Mallarmé 1897-1979 est une édition qui reprend une phrase de l’auteur d’Un coup de dés : « Or - Le pliage est, – vis-à-vis de la feuille – imprimée grande, – un indice, – quasi religieux : – qui ne frappe pas – autant que son tassement – en épaisseur, – offrant – le minuscule –tombeau, – certes, – de l’âme.3 » Cette phrase est imprimée sur une feuille A4 qui, une fois pliée en quatre sur elle-même, est agrafée en son centre. Le cahier de 16 pages n’est pas découpé et les feuillets ne se déplient pas complètement. Le texte ne peut donc se lire que lorsque l’agrafe centrale du feuillet est démontée. La numérotation des pages retrouve ainsi son ordre dans l’ouverture et le déploiement de la planche. La référence à Mallarmé n’est pas anodine. Le pli est chez le poète un « acte opératoire » [...].”

1 Gilles Deleuze, Le Pli : Leibniz et le baroque, Paris, Éd. de Minuit, 1988, p. 10. 2 Anne Moeglin-Delcroix, Sur le livre d’artiste: articles et écrits de circonstance (1981- 2005), Marseille, Le mot et le reste, 2006, p. 528. 3 Stéphane Mallarmé, « Quant au livre. Le livre, instrument spirituel », dans Œuvres complètes, Paris, NRF/Gallimard, 1984, p. 379. Bibliothèque de la Pléiade. Nous reproduisons ici le texte et sa ponctuation tels qu’utilisés par l’artiste. Les tirets, qui marquent visuellement la découpe du poème, sont des indices graphiques importants. Ils rejouent une liaison tacite et matérialisent l’articulation d’un vers à l’autre. Ils incarnent graphiquement le pli constitutif de tout livre.
Texte de B. Bourchenin, extrait de l’article “Pour une heuristique du pli : penser l’expérience esthétique des livres d’artistes altérés”